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Depuis 1955...

En 1955, cinq directeurs de salles parisiennes et des critiques de cinéma s’associaient pour fonder l’Association Française des Cinémas d’Art et Essai. Cette création est indissociable d’une tradition qui prend ses racines dès les années 20.

L’histoire du mouvement Art & Essai accompagne dès ses débuts l’histoire du cinématographe.

  • LES ORIGINES DU MOUVEMENT ART ET ESSAI

Dès les années 20, se constitue un courant que l’on peut qualifier avant l’heure de « cinéphile » : débuts de la critique spécialisée, premiers ouvrages sur l’esthétique du cinéma (Elie Faure, Abel Gance, Blaise Cendrars), et volonté, déjà, de certains exploitants parisiens de contribuer à la découverte d’œuvres, devenues aujourd’hui des chefs-d’œuvre : Louis Delluc, Jean Epstein, Marcel L'Herbier, Abel Gance, René Clair, Pabst … mais aussi Borzage, puis Hawks ou Eisenstein.
Les Ursulines, l’Oeil de Paris, le Studio 28 (qui ouvre avec le Napoléon d’Abel Gance), Le Vieux Colombier, rejoints dans leur démarche par le Panthéon et les Agriculteurs, s’attachaient à promouvoir le meilleur du cinéma de l’époque, en accueillant les jeunes auteurs, les films expérimentaux, novateurs, surréalistes devenus célèbres et, déjà, montrer les œuvres du passé et toucher un nouveau public.
C’est ainsi qu’on découvre L’Age d’Or de Buñuel au Studio 28, L’Opéra de Quat’sous de Pabst ou  M Le Maudit de Fritz Lang aux Ursulines.
Dans les années d’après-guerre, le secteur du cinéma commence à être réellement pris en compte par l’Etat avec la création du CNC. Le soutien consiste dans un premier temps dans la reconstruction des cinémas détruits par la guerre (dans le cadre du plan Monnet de rééquipement de l’industrie nationale), puis dans la création d’un fonds de soutien qui s’applique à la production et à l’exploitation.

  • NAISSANCE DE L’AFCAE

Le dynamisme des années 50 transforme réellement la perception du cinéma et offre les conditions de la création de l’AFCAE.
A l’origine de l’association : la collaboration entre des critiques de cinéma (Jean de Baroncelli du Monde, Jeander de Libération) et des exploitants parisiens qui accueillaient le « cinéma d’essai » : des projections de films non programmés dans les autres salles.
Pour ces pionniers, il s’agissait de montrer tout simplement un cinéma différent du conventionnalisme de l’époque. Les films étrangers, y compris américains et les classiques étaient alors invisibles en France.
Ces militants défendaient le cinéma qu’ils aimaient dans toute sa diversité, chacun avec sa propre sensibilité, loin de toute pensée préétablie.
En janvier 55, cette poignée d’exploitants et de critiques a répondu à l’invitation de la toute jeune gilde allemande des cinémas d’Art à leur Congrès de Wiesbaden. C’est là que fut créée la Confédération Internationale des cinémas d’Art et d’Essai (la CICAE) et que l’idée d’une association française a germé.
Quelques mois plus tard, en décembre 55, les statuts de l’AFCAE étaient adoptés. 5 salles y adhéraient :
Les Ursulines, les Agriculteurs, le Studio Parnasse, le Cardinet et le Studio de l’Etoile. Ils furent bientôt rejoints par le Studio 28, la Pagode, le Panthéon, le Ranelagh, le Studio Bertrand, les Reflets, puis les premières salles de la banlieue parisienne : l’Alcazar d’Asnières, la Tannerie à Versailles.
Adhèrent peu à peu des cinémas en régions : Aix-en-Provence, Besançon, Bordeaux, Caen, Grenoble, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Toulouse.

  • RECONNAISSANCE POLITIQUE ET  INSTITUTIONNELLE DE L’ART ET ESSAI

Avec la création du Ministère de la Culture en 1959, et sous l’impulsion d’André Malraux, les cinémas d’Art et Essai sont reconnus par l’État. Ils vont par la suite bénéficier d’aides spécifiques sur la base d’une programmation innovante et de qualité, ouverte sur le monde (films contemporains et du répertoire).
Le cinéma, qui dépendait auparavant du Ministère de l’Industrie, est désormais considéré comme un art et fait partie intégrante d’une politique culturelle.
Le classement des salles s’institue à partir de 1962 sur des critères de programmation : films innovants et créatifs sur le plan cinématographique, classiques forgeant les bases de la cinéphilie, cinématographies peu diffusées apportant un regard sur le monde.
La première commission de classement Art et Essai se tient le 9 janvier 1962 : 50 salles sont classées - 24 à Paris, 2 en banlieue, 23 en Province.

C’est ainsi qu’au Panthéon, le public a pu découvrir les films polonais et notamment ceux de Wajda, que la Pagode faisait la part belle au cinéma japonais (Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi), russe (Ivan le Terrible d’Eisenstein), suédois (Le septième sceau de Bergman). En 62, c’est L'Avventura d’Antonioni, Cléo de 5 à 7 de Varda, Shadows de Cassavetes, les films de Welles ou Bergman qui prennent vie sur les écrans des cinémas Art et Essai. Ce sont aussi les premiers films de Jacques Rivette (Paris nous appartient au Studio des Agriculteurs en 1961) et d’Eric Rohmer (Le Signe du lion à La pagode en 1962). Sont également révélées les nouvelles vagues étrangères : Grande-Bretagne, Tchécoslovaquie (Milos Forman, notamment), Hongrie, Brésil et le cinéma indépendant américain.

  • DÉPLOIEMENT TERRITORIAL

Dans les années 60, le réseau des salles Art & Essai s’étend, elles ne sont plus seulement parisiennes. Et la progression s’accélère ; 1968 sera la dernière année qui compte la majorité des salles classées en région parisienne,  221 salles dont 98 en régions.

Le mouvement est d’autant plus vigoureux que des distributeurs se sont engagés sur ce marché prometteur. Des salles elles-mêmes créent leur propre société de distribution : Ursulines, Pagode, Studio 43.

  • CONCENTRATION DU SECTEUR

Les années 70-85 sont des années de concentration : technique (naissance des « complexes » de plusieurs salles), géographique (fermetures des cinémas les moins performants), économique (au profit de grandes entreprises) et concentration dans la programmation (captation des copies de films par les grands circuits). Et comme on le sait dans tous les secteurs culturels, médiatiques et industriels, la concentration va à l’encontre de la diversité, du pluralisme et du renouvellement.
Mais parallèlement, on assiste à une diversification de la programmation grâce au mouvement Art et Essai, qui a créé un véritable marché pour un cinéma d’auteur différent, innovant et de découverte.
En 1980, avec 623 écrans, les cinémas classés Art et Essai représentent 18 % de la fréquentation.

  • L’IMPLICATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Au milieu des années 80, 850 salles étaient classées Art & Essai.
Dans le contexte général de décentralisation et de politique culturelle pour tous, apparaissent de nouveaux intervenants : les collectivités locales. Celles-ci prennent la mesure de l’importance de la préservation des cinémas de centre ville à programmation de qualité dans une politique de la ville et d’aménagement du territoire. De nombreuses municipalités mènent une politique interventionniste dans ce sens par le biais de DSP (exploitants privés gérant des salles municipales en délégation de service public), de cinémas associatifs ou encore entièrement municipaux. 
Des réformes sont mises en place pour l’aide à la création et à la modernisation des salles dans les zones insuffisamment desservies, avec notamment la création en 1983 de l’ADRC (Agence pour le Développement Régional du Cinéma). Celle-ci intervient également dans l’aide à la distribution des films sur l’ensemble du territoire.

En 1990, 922 écrans étaient classés Art & Essai, à une période où la baisse de la fréquentation, due notamment à l’émergence de la vidéo, provoque la fermeture de salles généralistes.

  • CONCURRENCE DES CARTES ILLIMITÉES

Le début des années 2000 a été marqué par l’apparition d’un nouvel outil de concurrence venu des circuits de multiplexes : les cartes illimitées.
L’AFCAE et l’ARP (Société des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs) s’élèvent depuis plusieurs années contre l’accélération de la concentration du secteur. En cause : les multiplexes qui, avec un nombre de salles considérable, programment un maximum de films dans un seul lieu, y compris les films d’auteurs les plus porteurs économiquement. Ils induisent ainsi un nouveau mode de consommation du cinéma qui fidélise les spectateurs sous une seule enseigne, les privant d’une liberté de choix des films et des lieux dans lesquels ils souhaitent les voir. Face à cette tendance qui participe à écourter la durée d’exploitation des films en salles, les cinémas Art et Essai œuvrent pour préserver le temps du cinéma d’auteur, qui s’installe sur plusieurs semaines grâce notamment au bouche à oreille.

Des mois de négociations sur les cartes illimitées aboutissent, par la loi n°2001-624 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques, à l’ajout de l’article 27 dans le code de l’industrie cinématographique. Il permet aux indépendants d’accueillir les porteurs de cartes illimitées leur garantissant ainsi le libre choix des films et des lieux dans lesquels ils souhaitent les voir.

En 2000, 1130 écrans étaient classés Art et Essai, dont 823 hors Ile-de-France.

  • REFORME DU CLASSEMENT DES SALLES

En 2002, le CNC réforme la classification des salles Art et Essai pour permettre une meilleure prise en compte de leurs spécificités : politique d’animation, action en direction du jeune public, diversité des films Art et Essai proposés, recherche et découverte, situation géographique et environnement socioculturel. Et enfin, le classement s’établit non plus par écran mais par établissement, afin d’éviter de favoriser les cinémas comprenant de très nombreuses salles.

  • LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Le début des années 2010 est marqué par le passage à la technologie numérique et l'abandon du photochimique. Cette révolution technologique a profondément fait évoluer l'économie du secteur, en faisant apparaitre de nouveaux intermédiaires et en imposant aux exploitants de très lourds investissements. A travers le CIN (Collectifs des Indépendants pour le Numérique), l'AFCAE a contribué à la réflexion entreprise pour trouver les moyens de financer les équipements numériques et éviter que la souplesse procurées ne conduisent à une dérégulation du secteur. Suite aux réflexions menées avec les pouvoirs publics, la loi n°2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques est venue encadrer le financement de ces équipements et la distribution des films sur support numérique.

Il reste néanmoins aujourd'hui, dans un contexte de concentration accrue, à œuvrer pour adapter l'ensemble des instruments de régulation du secteur à l'ère numérique (engagements de programmation, aménagement cinématographique du territoire...). L'AFCAE y contribue au quotidien en dialoguant avec les pouvoirs publics et l'ensemble des organisations du secteur cinématographique.

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* Les cinémas classés Art et Essai lors de la première commission de classement, le 9 janvier 1962 :
Paris (24 cinémas) : Agriculteurs, Bonaparte, Calypso, Celtic, Cujas, Floride, Hollywood, Monte Carlo, Pagode, Panthéon, Quartier latin, Ranelagh, St Lambert, Studio Acacias, Studio Bertrand, Studio de l’Etoile, Studio Parnasse, Studio Publicis, Studio Raspail, Studio République, Studio Saint-Germain, Studio 28, Ursulines, Vendôme.
Banlieue parisienne (2 cinémas) : l’Alcazar à Asnières, la Tannerie à Versailles.
France hors région parisienne (23 cinémas) : Club à Aix en Provence, Rex à Angers, Building à Besançon, Intendance à Bordeaux, Comoedia à Brest, Essai à Clermont-Ferrand, Club à Grenoble, ABC au Havre, Rex à Lavaur, Vox à Limoges, Duo à Lyon, Paris à Marseille, Lynx à Montpellier, Rex à Nantes, Scala à Neufchateau, Ritz à Nice,  Club à Poitiers, Rex à Rumilly, Club à Saint-Etienne, Studio 34 à Rouen, Foyer à la Selles-sur-Cher, Club à Toulon, Paris à Toulouse.

Edito

La partition

Le Congrès de la FNCF à Deauville au mois de septembre a été l’occasion de faire le point sur la tonalité du secteur, composant les enjeux de l’année à venir. En fonction des trois branches de l’exploitation (petite, moyenne, et grande), il semble

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