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Pinocchio sur Amazon : Une exception conjoncturelle ou une alerte ?

5 Mai 2020

La société de distribution Le Pacte vient de vendre les droits exclusifs de diffusion France du film Pinocchio de Matteo Garrone à Amazon. Le film Pinocchio devait sortir initialement en salles de cinéma, en mars puis, une nouvelle date, début juillet, avait été envisagée. Les cinémas de l’hexagone, déjà sonnés par la fermeture de leurs salles, viennent de recevoir un nouveau coup sur la tête. Pinocchio n’est ni le premier, ni le dernier film à connaître un tel scénario qui, à ce stade, demeure rare. Et pourrait-on écrire : à circonstances exceptionnelles, décisions exceptionnelles. Jean Labadie, patron du Pacte, explique dans Le Film Français du 4 mai le coût d’une promotion engagée en pure perte en mars (600 000 euros), l’absence de visibilité sur la réouverture des cinémas, le risque d’une rude concurrence à l’automne, la nécessité de retrouver une trésorerie.

Néanmoins, ce changement de stratégie pour le film Pinocchio nous apparaît comme une alerte. D’abord parce que Matteo Garrone fait partie de ces grands auteurs à dimension internationale capables de concilier originalité, exigence artistique et belle audience. La vocation initiale et intrinsèque de Pinocchio est bien une sortie sur grand écran, sortie d’ailleurs plébiscitée par le public italien. Ensuite, le nouveau titre de Matteo Garrone fait partie de cette poignée de films familiaux Art et Essai, qui chaque année, constituent une alternative européenne stimulante et attrayante aux films d’animations des majors américaines. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, à la demande du Pacte et en concertation avec la société, l’AFCAE avait préparé un travail de soutien via son groupe jeune public, avec visionnement et projection en salles, documents promotionnels imprimés à destination de ses 1200 cinémas adhérents, dont plus de la moitié sont titulaires du label jeune public. Tout un travail de valorisation financé en large partie par le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée. Les cinémas Art et Essai étaient donc non seulement prêts mais particulièrement motivés pour défendre ce film en salles. Les cinémas connaissent tout le travail accompli par Jean Labadie et son équipe du Pacte pour défendre le cinéma d’auteur en salles depuis de nombreuses années. Et c’est bien justement parce que la société Le Pacte est une référence pour la distribution Art et Essai que son accord sur Pinocchio avec Amazon nous inquiète. Le distributeur de Ken Loach qui vend l’exclusivité de l’un de ses bijoux à Amazon : la symbolique n’est guère réjouissante. Et quand Jean Labadie évoque dans Le Film Français « sa confiance dans le travail d’Amazon pour communiquer vis à vis des scolaires », on a réellement du mal à croire aux ambitions et aux compétences éducatives du géant américain.

Le 4 mai, Edouard Philippe a annoncé que nous connaîtrions début juin la « date possible » de réouverture des cinémas. Avec en parallèle un travail de la Fédération nationale des Cinémas Français sur les mesures sanitaires à préconiser. Ces mesures indispensables ne doivent pas occulter la nécessité d’une offre de films attrayante. La profession et les pouvoirs publics n’ont que quelques semaines pour inciter et soutenir les distributeurs à participer à cette période si périlleuse de reprise. Sans cette stratégie volontariste de programmation, la reprise indispensable des films arrêtés en mars dernier ne suffira pas alors à éviter un carnage estival. Chaque semaine et chaque jour qui passent renforcent les plateformes mondiales et affaiblissent un système national régulé, mutualisé aujourd’hui à l’arrêt. Des résultats de fréquentation anémiques cet été, faute d’incitation à la sortie de films, risquerait de donner de nouvelles raisons aux producteurs et distributeurs de renoncer à la salle. Le coronavirus est un énorme orage qui oblige chacun à rester chez soi. Une fois l’orage passé et les dégâts constatés, c’est tout un écosystème français qu’il nous appartiendra, pouvoirs publics et ensemble des professionnels, à reconsolider et à faire redémarrer. Et il ne s’agit pas de caler.
 
François Aymé
Président de l'AFCAE

Edito

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