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2025, vers une Culture forcément rentable ?

L’année 2024 se termine. Elle porte en elle des germes qu’il nous faut regarder en face et des projets de société qu’il nous faut combattre. Des conflits et des guerres qui durent et où aucune solution durable n’est trouvée, aucun compromis possible. Un dérèglement climatique qui touche les populations les plus démunies comme nous avons pu le voir récemment à Mayotte. De plus, deux élections (européennes et législatives) très disputées laissent une France divisée, polarisée et qui semble ne plus communiquer. Le rachat par de grandes entreprises de nombreux médias, qui n’hésitent plus à soutenir ouvertement les propositions politiques les plus extrêmes et réactionnaires, se manifeste non seulement dans la presse écrite, mais aussi dans les médias radio et télé, sur les réseaux sociaux, ainsi que dans des productions cinématographiques.

Au niveau politique, deux décisions gouvernementales qui s’opposent l’une à l’autre. D’une part, le besoin de former les jeunes à un regard critique sur les images et, de l’autre, des plans de formation pour les enseignant·es qui ne permettent plus l’éducation au cinéma sur le temps scolaire. Des collectivités territoriales qui se désinvestissent de la Culture, en retirant des subventions de façon arbitraire et violente, tout en utilisant la réduction des dépenses publiques comme un argument populiste. Dernier exemple en date, la région des Pays de la Loire où le vote du budget 2025 présenté par sa présidente, Mme Christelle Morançais, a eu lieu le 20 décembre. Il applique une baisse de 63% du budget de la Culture sur ce grand territoire de près de 4 millions d’habitant·es. Ce cas très médiatisé n’est malheureusement pas isolé, d’autres collectivités reproduisent cet exemple : Île-de-France - 20% du budget Culture, Provence-Alpes-Côte d’Azur - 7,8%, Nouvelle-Aquitaine - 5,6%... La Bretagne et la Normandie sont les seules régions qui ont (à ce jour) choisi de maintenir leurs aides, mais partout ailleurs, nous pouvons craindre que cette tendance à la baisse ne s’amplifie. Ce fort désengagement s’inscrit aussi dans la continuité d’autres actions marquantes de ces derniers mois. Rappelons celle du département du Nord, qui avait annoncé son retrait total du financement de Collège au cinéma avant de parvenir finalement à un accord avec la DRAC, ou celle du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui réduisait en 2023 les subventions d’institutions culturelles importantes.

Pour notre filière, ces choix budgétaires, ce sont alors des festivals qui sont en danger, des associations territoriales fragilisées, des actions de médiation et de formation qui disparaissent, des projets en partenariat avec des salles de cinéma qui ne seront plus soutenues. Un effet domino qui s’ajoute aux baisses possibles des aides départementales, municipales et qui pourrait être dévastateur à terme pour le secteur culturel. Faut-il voir dans ces décisions très brutales un bras de fer politique entre les collectivités territoriales et l’État ? Ou le mal est-il plus profond ? Quand Mme Morançais dit sur le réseau X le 12 novembre dernier : « Quelle est la pérennité d’un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l’argent public ? Et à plus forte raison quand cet argent public n’existe plus ? Un système dont on constate, en plus, qu’il est, malgré les subventions dont il bénéficie, en crise permanente ! » Le propos est clair, c’est une attaque directe contre l’idée d’un service public de la Culture et d’intérêt général d’accès à la Culture. Cette idée n’est pas neuve, et elle n’est pas uniquement une lubie née en Pays de la Loire. Elle se propage au gré des tensions économiques et des polarisations politiques. Nous ne vivons pas de la charité publique, n’en déplaise à Mme Morançais, nous sommes aussi le moteur économique de beaucoup de localités et de commerces de proximité qui, sans nous, disparaîtraient totalement, laissant des centres-villes exsangues aux rideaux de fer fermés. Nous sommes aussi des entreprises, des employeur·ses
et, comme beaucoup d’autres structures identiques, nous percevons des aides liées à notre secteur d’activité.

L’AFCAE a toujours défendu le cinéma comme un Art, une pratique culturelle qui doit être partagée par le plus grand nombre et particulièrement par ceux et celles qui en sont éloigné·es en raison de la distance, de leur contexte social, de facteurs socioculturels ou de situations de handicap... C’est pourquoi les actions de médiation, d’éducation au cinéma, de coopération territoriale sont au cœur de nos engagements et du soutien que nous apportons à nos adhérent·es. Le travail des salles Art et Essai est de faire vivre la collectivité à travers des projections, des animations, des temps de rencontres, une démocratisation sociale et culturelle ; mais aussi de participer à l’économie d’un territoire, en créant des emplois, en dynamisant les centres-villes, en étant cette lumière qui scintille au cœur des villes et des villages. Ce travail doit être soutenu car il dépasse le cadre de l’exploitation pour s’inscrire dans une politique publique.

Les spectateur·rices qui sont revenu·es dans nos salles nous le prouvent chaque jour, les Français·es ont soif de diversité, de découverte, de débats. Ils et elles ont soif de CULTURE. Pour 2025, nous souhaitons que le mot Culture s’écrive partout en majuscule et que celle-ci ne soit pas la valeur d’ajustement des économies dans les budgets locaux ou nationaux, ni le parent pauvre des discours politiques qui font le jeu des extrêmes. Nous pouvons collectivement nous souhaiter une bonne année 2025. Cette année sera l’occasion de fêter ensemble les 70 ans de notre association et plus largement les 70 ans du mouvement Art et Essai, les deux étant intrinsèquement liés. C’est par l’action collective que les premier·es adhérent·es ont fait naître un projet global, mondial. Cette idée partagée en 1955 par cinq exploitant·es de faire émerger un autre cinéma que les productions dominantes est devenu virale – comme on le dirait aujourd’hui – pour regrouper plus de 2 500 salles dans 46 pays à travers le monde. Ce combat et cette force collective animeront
toute notre année 2025 !

Guillaume Bachy, président de l'AFCAE

Edito

2025, vers une Culture forcément rentable ?

L’année 2024 se termine. Elle porte en elle des germes qu’il nous faut regarder en face et des projets de société qu’il nous faut combattre. Des conflits et des guerres qui durent et où aucune solution durable n’est trouvée, aucun compromis possible.

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