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A grande vitesse !

Dans le train à grande vitesse qui me ramène des vacances, j’ai pour voisin un petit garçon de 5 ans. Au début du voyage, il réclame de l’attention et se tourne vers sa mère assise à côté de lui. Très vite, elle lui tend un téléphone, des écouteurs et l’enfant se branche sur une plate-forme d’hébergement de vidéos au logo rouge et blanc et passe librement d’une vidéo à une autre, l’algorithme est en marche pour une diffusion désordonnée, entrecoupée de messages publicitaires, vers des contenus de plus en plus adultes. Le voyage dure 3 heures, il ne décollera plus les yeux de cet écran. Nous avons tous été témoins de ce type de scène, que ce soit dans la rue, les transports, les restaurants et, parfois même, dans les cinémas. Et peut-être que, comme moi, vous avez eu envie d’intervenir, de réagir et finalement… non.

Le danger de cette fascination des enfants pour les images animées et pour les écrans, nous y réfléchissons ensemble depuis des décennies. Convaincus que le cinéma sur grand écran est la meilleure porte d’entrée aux images, nous avons collectivement multipliés les actions de soutien aux films, les médiations, les ateliers, les rencontres professionnelles, les dispositifs d’éducation aux images… Est-ce que le comportement de ce petit garçon et celui de sa mère sonnent le glas de ce travail ? Je ne le crois pas, bien au contraire. C’est aujourd’hui plus encore que notre investissement doit être fort car, face à la dématérialisation, à l’offre délinéarisée, aux plateformes gratuites ou payantes pensées exclusivement ou non pour le jeune public, visibles sur des écrans de plus en plus égotiques, les cinémas Art et Essai ont un rôle à jouer qui dépasse celui d’une simple concurrence économique. Le travail d’éducation au cinéma et aux images dont nous pouvons nous revendiquer est un enjeu majeur de société dans lequel notre rôle sera prépondérant. Prenons l’exemple du groupe jeune public de l’AFCAE, constitué il y a plus de 20 ans : il a construit un catalogue de 600 films programmés et accompagnés dans les salles du réseau ; il a mis en place des partenariats pour enrichir et mettre en avant l’action des salles (fiches pédagogiques, Ateliers Ma P’tite Cinémathèque, Festival jeune public avec l’hebdomadaire Télérama, programme adolescent avec l’Agence du Court Métrage…) et multiplié les interactions avec les associations territoriales et les autres groupes de soutien de l’AFCAE.

Son expertise est indéniable sur le hors-temps scolaire et il participe aussi activement aux réflexions nationales sur l’avenir des dispositifs d’éducation au cinéma. La fidélité des créateurs, la confiance des producteurs et des distributeurs tout au long des années et leur présence lors des Rencontres Nationales est sans doute la marque la plus forte de cette reconnaissance d’un travail sur le long terme. Cette action collective, elle découle de l’expérimentation de chacun d’entre nous qui nourrit de ses expériences les réflexions du groupe Jeune Public pour soutenir des films et des auteurs et créateurs inventifs, libres, détachés des diktats commerciaux. Cette créativité n’exclut en rien le succès et la rencontre avec un large public comme le montrent Dilili à Paris ou Cro Man en 2018.

Parce que nos salles ne sont soumises à aucun algorithme et que nous sommes tous, profondément, attachés à défendre un cinéma de qualité, nous sommes capables de proposer une offre, non pas marginale, mais au contraire essentielle. Nous avons également les ressources pour travailler avec les grandes organisations nationales de l’éducation et du cinéma pour que l’idée de « voir ensemble » reste moderne et attirante.

Comme les consommateurs qui cherchent à offrir à leurs enfants des aliments moins transformés, plus respectueux de l’environnement et meilleurs pour la santé, nous devons œuvrer pour faire entendre que cette recherche doit aussi s’élargir aux nourritures culturelles, pour que les enfants dans les trains à grande vitesse (et ailleurs) ne soient pas laissés aux mains de diffuseurs d’images, sans foi ni loi.

Guillaume Bachy, responsable du Groupe Jeune Public de l'AFCAE

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Edito

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Le Congrès de la FNCF à Deauville au mois de septembre a été l’occasion de faire le point sur la tonalité du secteur, composant les enjeux de l’année à venir. En fonction des trois branches de l’exploitation (petite, moyenne, et grande), il semble

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