Continuons à être bruyant·es !
Vendredi 26 juillet 2024, Paris et toute la France se préparent à l’ouverture des Jeux olympiques. 23 millions de téléspectateur·rices suivent la cérémonie officielle.
Un chiffre qui doit faire rêver plus d’un distributeur·rice et une cérémonie qui démontre l’importance de la culture, de la diversité, du partage et de l’inclusivité de notre pays ! Une preuve supplémentaire que la cultureet l’art sont des éléments substantiels de notre nation et de ce qui fait notre identité partagée, qui doit être soutenue et mise en avant dans l’ensemble des politiques publiques menées à l’avenir. Cette ferveur collective invoquée par les enjeux sportifs arrivera-t-elle à faire oublier la fracture vécue après les dernières élections européennes et législatives en France ? La France divisée, plus de 93 % des communes votant pour le Rassemblement National au premier tour des élections européennes et un second tour des législatives très disputé avec la crainte de voir les partis nationalistes accéder à la majorité absolue. Une fracture à laquelle s’ajoute une incertitude sur le futur politique de la France. En effet, Emmanuel Macron a annoncé que la nomination du ou de la Premier·e ministre qui conduira le gouvernement attendra la fin des Jeux. Cette décision implique forcément une certaine latence dans les prises de décision et pour notre secteur une nomination pour le ou la président·e du CNC repoussée. À ce sujet, l’AFCAE a co-signé avec un ensemble de partenaires et de personnalités une tribune pour rappeler l’importance du CNC, et d’une nomination de son président ou de sa présidente détachée des enjeux politiques, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes des secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et de l’image animée comme le CNC s’y applique depuis plusieurs années.
Face à ces bouleversements politiques majeurs, les lieux de culture doivent s’interroger sur leurs pratiques et sur leurs responsabilités. En 2023, 53 % de la population est venue dans nos salles pour assister à au moins une séance. Ce résultat nous impose de réfléchir à nos programmations, à nos actions d’animations, de médiations et à nos conditions d’accueil devant la montée d’une pensée réactionnaire. Le cinéma reste la première sortie culturelle des Français·es, et cette première place nous oblige ! Au-delà des questions de classements et de réforme de l’Art et Essai, il nous faut chaque semaine peser nos choix éditoriaux, ne pas céder à la facilité ou à l’appel de productions standardisées, propageant parfois des idées tendancieuses et partisanes ou pire, conçues comme des outils de propagande pour asseoir des idéaux qui veulent réviser l’Histoire. En assumant des choix de programmation forts, les salles Art et Essai partagent un point de vue moral et social sur le monde. Une idée qui pourra être aussi portée par le Printemps de la ruralité et son corollaire pour le cinéma : une aide aux circuits itinérants pour aller au plus profond des territoires. En valorisant les animations et les médiations qui créent du dialogue entre les spectateur·rices, en propageant les savoirs à travers des rencontres, des débats, des conférences, nos lieux permettent à toutes et tous un accès aux connaissances et à la réflexion. Particulièrement en direction de la jeunesse à travers les dispositifs scolaires, toujours en danger, que nous faisons vivre au quotidien dans nos salles, mais également à travers toutes les actions de qualité que nous choisissons de mettre en place pour « ouvrir les regards » des plus jeunes. Pour être accessible au plus grand nombre, ce travail d’éditorialisation et d’animation doit s’accompagner de conditions tarifaires réfléchies pour permettre l’accès de la Culture à tou·tes ; avec forcément son contre-coup économique : nos salles ont un prix moyen plus bas que d’autres types d’exploitation. Cette différence ne doit pas être un frein à l’accès aux films, car elle participe à faire du cinéma un art populaire et partagé. Le premium ne sera pas l’apanage des salles de notre mouvement. Nos politiques de communication doivent également évoluer pour aller au-devant de tous les publics et les convaincre de pousser les portes de nos salles, leur faire comprendre que toutes et tous y ont leur place. Nous pouvons collectivement toujours faire mieux, mais les valeurs et les actions que portent les salles Art et Essai sont déjà au cœur du combat à mener pour l’émancipation culturelle et sociétale. Je vousencourage à partagerces valeurs dans vos prises de parole de rentrée, dans vos écrits, dans vos programmations et dans vos choix d’actions culturelles pour que chaque spectateur·rice que vous toucherez comprenne votre engagement et celui de tout un collectif que nous portons ensemble.
Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques s’exprimait ainsi sur celle de l’ouverture : « Cette cérémonie s’est déroulée dans un nuage de tolérance. Nous sommes plus nombreux à vouloir bien vivre ensemble, mais nous sommes moins bruyants… sauf vendredi soir.» Continuons à être bruyant·es ! Continuons à faire entendre nos valeurs, défendons haut et fort la culture et ses vertus artistiques et sociétales. Nous serons présent·es sans relâche pour accompagner et amener les responsables politiques à soutenir notre mouvement et les salles qui le composent. Collectivement, faisons tout le bruit nécessaire pour que nos voix soient entendues et que l’art continue de résonner au cœur de notre société. Ne laissons pas le silence s’installer là où la créativité et l’expression doivent prospérer. Retrouvons-nous lors des prochains événements au calendrier : aux Rencontres nationales Art et Essai Jeune Public qui auront lieu à Sarlat, au Congrès de la FNCF à Deauville, au Festival
Indépendance(s) et Création à Auch, au Marché International du Film Classique lors du Festival Lumière de Lyon.
Guillaume Bachy, président de l'AFCAE