Janvier 2016
À PROPOS DE LA MISSION ART ET ESSAI
Chaque semaine, environ 800 000 spectateurs français découvrent un film recommandé Art et Essai. Chaque année, les 1 150 cinémas classés proposent sur l’ensemble du territoire plus d’un million de séances pour les 350 films inédits recommandés. Bientôt, à l’occasion des cérémonies des César et des Oscars, ce sont des films Art et Essai marquants de l’année qui seront à l’honneur. Ainsi, l’Art et Essai constitue bien l’un des poumons artistiques, l’un des biens communs les plus précieux de la filière cinéma. La taille, la diversité et le dynamisme de notre réseau, sans équivalent en Europe, sont l’une des conditions nécessaires pour la production et la diffusion d’un cinéma d’auteur vivant. C’est le fruit d’un travail de régulation et d’une patiente construction entre la profession, le CNC et les pouvoirs publics. Frédérique Bredin a annoncé lors du congrès de la FNCF le lancement d’une mission de « simplification et de modernisation du classement des salles Art et essai », confiée à Patrick Raude. La dernière réforme datant de 2002. Entre temps, le numérique est passé par là, la concentration s’est développée de façon accélérée, les comportements culturels ont changé, le public a vieilli et la nécessité d’un travail d’accompagnement des oeuvres s’est renforcée.
Dans un souci d’équité et de précision, la procédure de classement s’est complexifiée et alourdie, tant pour les salles que pour le CNC. Les organisations professionnelles, dont l’AFCAE dès le mois de décembre, ont commencé à rencontrer Patrick Raude. Pour notre part, des premières propositions se dessinent, dont notamment : une meilleure prise en compte des labels Recherche et Découverte, Jeune Public et Patrimoine et Répertoire ; une simplification du questionnaire financier concentré sur l’objectif incitatif du classement Art et Essai ; une valorisation accentuée de l’effort des salles en termes de personnels, de communication, d’animations ; une instruction synthétique en amont des commissions Art et Essai et le maintien de la composition des dites commissions avec un engagement d’impartialité et de confidentialité pour ses membres. Le travail de réflexion continuera en février, avec une réunion de Bureau dédiée le 3 et une nouvelle rencontre le 25 entre Patrick Raude et l’AFCAE, représentée par le président, les deux vice-présidents et le délégué général.
Au-delà de ces propositions techniques, cette mission est également l’occasion de mener une réflexion de fond. Un collectif rassemblant des salles de Paris et des grandes villes a exprimé récemment la demande d’une meilleure reconnaissance de leur travail de diffusion et la prise en compte des difficultés spécifiques de cette catégorie d’établissements (des effets de la concentration à la forte pression foncière, en passant par les cartes illimitées). Concrètement, nombre de ces lieux sont dans des situations financières préoccupantes. Comme nous l’évoquions dans notre édito de novembre, ces cinémas constituent le socle des sorties Art et Essai et une large part des entrées. Ils représentent donc un enjeu majeur qui sera intégré dans nos futures propositions à Patrick Raude. La question n’est pas de savoir s’ils doivent être aidés mais de définir de quelle manière. En complément de la mission Raude, cette alerte peut susciter la recherche d’autres solutions comme, par exemple, l’aide à la programmation difficile, la loi Sueur ou la mise en place de conventions entre le CNC et les collectivités (villes et/ou Régions) intégrant les problématiques de toutes les salles Art et Essai.
On rappellera qu’en septembre, à Deauville, la petite exploitation (qui comprend un grand nombre de salles classées Art et Essai) a exprimé « un sentiment d’abandon » et fait part de ses difficultés récurrentes de programmation. En mai dernier, à Cannes, lors de l’Assemblée Générale de l’AFCAE, un groupe de salles municipales avait exprimé ses inquiétudes relatives à la baisse des dotations budgétaires aux collectivités, à la réforme territoriale ainsi qu’à de nombreux changements de majorités politiques. Si les préoccupations légitimes et spécifiques de chaque catégorie de l’exploitation indépendante doivent être entendues et prises en compte, cela doit se faire en cohérence avec l’esprit du mouvement Art et Essai et la nécessité d’une unité et d’une solidarité qui font la force de notre structure. Le caractère progressif et incitatif du classement des salles (avec des subventions qui vont de 1 000 € à 100 000 €), la prise en compte du potentiel et des moyens de chaque établissement, font partie des principes qui garantissent l’équité et l’efficacité du classement. La progression sensible et régulière du nombre de labels en est un signe probant.
Nous espérons que la mission Raude parviendra à simplifier, moderniser et reconnaître la valeur du travail des salles les plus vertueuses, tout en préservant l’esprit et l’efficience du classement des salles. Au-delà, à moyen terme, d’autres problématiques demeurent : les conséquences de la concentration, le vieillissement du public, l’image floue et peu valorisante de l’Art et Essai. L’équipe actuelle, renforcée, a décidé d’engager de nouvelles actions, de développer une communication sur les réseaux sociaux, ainsi que le travail des groupes Actions Promotion, Jeune Public et Patrimoine/ Répertoire, d’améliorer notre présence à Cannes, de préparer avec les associations régionales une contribution aux prochaines conventions État-CNC-Régions. Autant de chantiers prometteurs et stimulants. À ce sujet, une mission peut en cacher une autre.
Le CNC a en effet confié une mission à Jean-Marie Durat consacrée à « La Salle de demain ». L’AFCAE apportera sa contribution, dont le préalable est bien évidemment qu’il faille réfléchir non pas à « la salle de demain » mais « aux salles de demain », la diversité des lieux étant la meilleure garantie de la diversité des films et des publics.
François Aymé, président de l’AFCAE